Vous souhaitez créer votre propre activité économique : vous voulez être indépendant. La première possibilité qui vous tombe sous la main, c’est soit la micro-entreprise, soit le portage salarial. Pourtant, il existe une autre manière de se lancer en freelance. Quand j’ai démarré ma micro-entreprise en 2011, j’ignorais l’existence des coopératives d’activités et d’emploi. Le statut d’entrepreneur-salarié-associé est très peu connu, et c’est bien dommage. J’aimerais vous donner toutes les cartes en main pour choisir le statut qui vous convient. Pour ma part, je suis entrepreneur-salarié-associé, et je m’y épanouis bien plus qu’en dix années de micro-entreprise ! Je vous raconte un bout de mon histoire : comment je suis passé de micro-entrepreneur à entrepreneur salarié associé de Babel.coop.
Entrepreneur solitaire solidaire
Quand je me suis mis à « mon compte », c’était essentiellement pour me sentir libre dans mes choix professionnels. J’ai été micro-entrepreneur pendant plus de dix ans, d’abord par facilité : le statut se crée en quelques clics, et hop, c’est parti pour facturer !
J’appelle cette période mon « hiver » entrepreneurial : j’étais seul, avec un réseau limité, et des opportunités peu nombreuses.
J’ai par la suite découvert le monde des coopératives d’activité et d’emploi, ou CAE : personnellement, je préfère remplacer le terme emploi par entrepreneuriat, que je trouve plus proche de la réalité. Et ce type de coopérative offre une alternative à la micro-entreprise totalement en phase avec mes valeurs : le partage, le soutien mutuel, la solidarité, l’entraide, et la liberté bien sûr ! Je suis informaticien de formation, et très tôt dans mon parcours je me suis passionné pour les logiciels libres, les communautés opensource, Wikipedia, la culture libre… La possibilité d’aligner mes valeurs avec mon activité économique m’est vite apparu comme une évidence : il fallait que j’intègre une CAE.
Mais comment ?
Dans une CAE comme Babel.coop, il existe deux types de contrats pour devenir indépendant : le contrat CAPE et le contrat CESA.
CAPE ou pas CAPE ?
Au début de son activité, quand on la démarre, on est confronté à un dilemme : on a pas assez de chiffre d’affaire pour se rémunérer, donc on ne peut pas se permettre de quitter son boulot ou de stopper son allocation chômage, et en même temps, on veut se lancer dans une nouvelle aventure professionnelle pour s’épanouir dans un travail qui fait sens pour nous.
C’est là qu’intervient le contrat CAPE pour Contrat d’Appui au Projet d’Entreprise : ça n’est pas un contrat de travail à proprement parler, il s’agit d’un contrat de droit commercial qui vous permet de démarcher vos clients et facturer au nom de la coopérative.
Quelles sont les avantages d’un contrat CAPE ?
- on ne créé aucune structure, donc aucun frais, on facture au nom de la CAE,
- on garde son statut actuel comme si de rien n’était : l’allocation chômage, le RSA, l’ARE et autres continue à être versé sans changement dans leur montant,
- on peut cumuler avec un emploi à temps partiel,
- on constitue une trésorerie pour le futur salaire qu’on va se verser,
- on peut se payer avec cette trésorerie sous forme d’une « rémunération CAPE » si besoin,
- on est libre d’organiser son travail comme on l’entend.
Quelles sont les inconvénients d’un contrat CAPE
- ce contrat n’est pas un contrat de travail, donc pas de protection sociale,
- si on commence à se verser une rémunération via le CAPE, ça modifiera vos allocations,
- il a une durée d’un an, mais on peut le renouveler deux fois, donc trois ans maximum.
Voilà pour le contrat CAPE.
Finalement votre activité s’avère rémunératrice, ou vous avez directement la possibilité d’avoir de gros clients, qui vous assurent une rémunération régulière, alors vous pouvez signer avec votre CAE un contrat CESA : le contrat d’Entrepreneur.e-Salarié.e Associé.e.
CESA, ouvre toi !
Pour ma part, c’est le contrat que j’ai choisi en entrant dans la coopérative. Je travaille entre autres dans le secteur du numérique, et en arrivant à Niort, j’ai eu la chance de décrocher un contrat de quelques années avec un client gros consommateur de prestations numériques.
Le contrat CESA, ça n’est rien d’autre qu’un CDI avec tous ses avantages sociaux, et sans l’inconvénient d’être en lien de subordination avec un employeur. On bénéficie à la fois des avantages sociaux durement acquis du salariat, et de la liberté d’un indépendant qui travaille d’égal à égal avec son client. Donc, on peut se présenter à une banque par exemple, et obtenir un prêt pour sa maison, ce qui est quasi impossible en tant que micro-entrepreneur. On cotise plus qu’en tant que micro-entrepreneur à la retraite, et on a droit bien sûr aux allocations chômages : on a même eu droit au chômage partiel pendant l’épisode funeste du Covid !
On bénéficie aussi de la mutuelle, à moitié prix, l’autre moitié étant prise en charge par Babel.coop. Un autre avantage que j’aime beaucoup, c’est qu’on peut être multi-activités. Par exemple, je fais des stages de création de jeux vidéos pour les adolescents, je fais de la formation sur des logiciels libres, etc. On n’est pas bloqué en mode monochrome sur une seule activité, on peut cumuler plusieurs types d’activités différentes. Toutes mes activités génèrent un chiffre d’affaire, et je choisis le niveau de rémunération que je souhaite avoir pour les mois qui suivent, en fonction de ma trésorerie : j’augmente ou je baisse ma rémunération en fonction de mon revenu d’activité.
Et au-delà de tous ses avantages, je suis sorti de mon « hiver » de micro-entrepreneur pour entrer dans mon « printemps » coopérateur 🙂
Choisir le portage partage !
Je discutais il y’a peu avec un collègue à qui je racontais notre aventure, et j’entends souvent la même question :
Ok Samir, le CESA, finalement, c’est le même contrat qu’une boîte de portage ? En bref, vous êtes une boîte de portage ?
Ce à quoi je réponds systématiquement :
Ah non ! Une société de portage est une société qui vend un service commercial, là où nous on ne vend rien : on met chacun 10% dans le pot commun, et on se créé des services communs, exactement comme notre pays a des services publics. Tu deviens membre de notre communauté, et nous décidons ensemble des services communs que l’on veut. Tout est transparent, tout se fait en démocratie directe ! As tu accès au compte de ta boîte de portage ? Non. Sais tu à qui elle appartient ? Pas vraiment. Où va l’argent que tu lui donnes ? Quel pouvoir as tu quand quelque chose ne te va pas ? Es tu certain qu’il n’y a pas de frais cachés ? J’en doute.
Bref, vous l’aurez compris, l’objectif c’est de travailler ensemble en mode coopératif : nous sommes des co-entrepreneur.es. D’ailleurs, vous avez peut-être remarqué que dans l’acronyme du contrat CESA, il y’a Entrepreneur, Salarié, et aussi Associé.
Mon entreprise à moi nous
Voilà le deal : vous êtes en contrat CESA, et au bout de trois ans maximum, vous nous dites si vous souhaitez devenir citoyen de Babel.coop. Si oui, vous en devenez un ou une des associées (on dit aussi sociétaire), et vous obtenez un siège dans notre Assemblée. Mais peut-être que finalement c’était pas votre tasse de thé : il vaut mieux alors pour chacun trouver la voie qui lui correspond vraiment. Notre voie est celle de la coopération et du Commun. Ceci dit, Babel.coop est vraiment inclusif : on a des entrepreneur.es-salarié.es qui sont sociétaires, des personnes en micro-entreprise avec lesquelles on travaille, des bénévoles qui filent des coups de main, et tout sympathisant au projet Babel.coop peut candidater au sociétariat !
Un OVNI parmi les CAE
Il existe plus de 150 CAE en France, et Babel.coop a sa propre singularité dans le paysage des Coopératives d’Activités et d’Entrepreneuriat.
Mais avant, je vous explique : je ne vous ai pas tout dit.
Je suis entrepreneur-salarié-associé d’une CAE que j’ai moi-même fondé.
Pourquoi ? En 2015, quand j’ai commencé à m’intéresser au CAE, je ne trouvais pas de CAE qui corresponde à des valeurs profondément ancrées chez moi : celle de la philosophie génialement folle de Wikipedia, qui fait le pari d’offrir gratuitement la connaissance, de créer une encyclopédie qui soit le patrimoine commun de l’humanité. Et le pari est réussi : Wikipedia est dans le top 10 des sites les plus visités au monde !
Par ailleurs, je suis aussi passionné par l’auto-organisation, et à l’époque, impossible de trouver une CAE qui explorait et vivait une forme de gouvernance partagée. Donc, ni une, ni deux, je me suis dit que j’allais créer la CAE de mes rêves… Et là voilà ! (c’était loin d’être de la tarte…)
Babel.coop fonctionne comme une véritable démocratie « directe », à tous les étages : les pôles Communication, Comptabilité, etc. ont leur propre assemblée délibérative. On ne fonctionne pas via un vote à la majorité pour prendre nos décisions, mais via un processus de décision commune innovant fondé sur les objections. Je ne vais pas rentrer dans les détails, et un article sera dédié à notre innovation sociale. Si vous voulez en savoir plus sur les particularités de Babel.coop, vous pouvez visionner la vidéo suivante (initialement dédiée aux entrepreneur.es du Numérique, mais qui s’applique à toute personne intéressée par l’aventure Babel.coop) :
Coopérative sans frontière
Notre coopérative est 100% en ligne : historiquement, nous avons commencé à Niort, où se trouve notre siège social. Au démarrage, ce sont les entrepreneur.es dans le secteur du numérique qui ont construit Babel.coop. On s’est donc très vite doté d’un système d’information robuste construit avec des logiciels libres, ce qui fait de Babel.coop une coopérative sans mur. Nous avons bâti une véritable plateforme coopérative. Nextcloud est notre portail principal pour travailler ensemble de façon collaborative. Pour la partie comptable, nous utilisons odoo, la version communautaire.
Nous nous retrouvons régulièrement en visio-conférence pour nos réunions grâce à jitsi. Bien sûr, on prend aussi du temps pour se voir en vrai : repas et des moments conviviaux, jeux coopératifs, barbecue, etc. Pour gérer la coopérative au quotidien, nous sommes en contact permanent via messagerie instantanée (Rocket.chat, pour celles et ceux qui connaissent).
Dix pour cent
10% : vous connaissez cette savoureuse série ? Je vous la recommande vivement, elle raconte la vie d’une agence artistique pour stars de cinéma. 10 %, c’est la commission que prenne les agents pour soutenir le travail des stars. Et bien, à Babel.coop, on l’appelle la contribution coopérative, et c’est la même que pour Virginie Efira ou Fabrice Luchini : 90 % vous reviennent et 10 % vont dans le pot commun.
Ces 10 % servent à soutenir le petit noyau d’une dizaine de personnes pour gérer au quotidien la coopérative, et nous offrir les services communs : comptabilité, service juridique, communication, etc.
En réalité, vous avez le pouvoir vous aussi de décider ce qu’on fait de ces 10 %. Dès lors que vous prenez une part sociale, d’une valeur de 100 €, vous obtenez un siège au sein de l’Assemblée de la CAE, et les décisions se prennent en commun au cours de nos réunions de gouvernance.
Soyons clair : on ne vous demande pas de de vous investir dans la gestion ! Il n’y a aucune injonction à participer : nous avons des entrepreneur.es qui sont content de contribuer financièrement à l’aventure Babel.coop, et satisfait des services rendus. Vous êtes libre de vous investir ou pas dans la gestion quotidienne : nous sommes suffisamment de personnes aujourd’hui pour pouvoir faire tourner la boutique !
Par le pouvoir du crâne ancestral…
En étant sociétaire, vous détenez un pouvoir. Le pouvoir de peser sur les délibérations lors de nos assemblées, celui de proposer de nouvelles règles, celui d’améliorer nos règles du jeu.
Vous avez peut-être reconnu dans le titre un des dessins animés cultes des années 80, où Musclor s’électrocutait à chaque épisode en utilisant son épée comme un paratonnerre. Dans notre CAE, chacun détient un bout de la force, mais personne ne détient la force toute puissante, y compris la majorité ! Nous avons fait le choix de ne pas utiliser le classique vote à la majorité. De mon point de vue, le vote à la majorité, c’est la tyrannie de la majorité sur la minorité. Cette problématique, Alexis de Tocqueville l’avait déjà lumineusement évoqué en 1835 !
Il existe une manière totalement différente du vote à la majorité pour produire des décisions collectives. Une manière bien plus intelligente. Plus intelligente dans le sens où l’intelligence collective se focalise sur la résolution du problème, plutôt que de dissiper son énergie sur le grapillage de voix dans l’espoir de former une majorité. Nous consacrerons un article de blog pour expliquer de façon plus détaillée ce nouveau processus de décision collectif, que j’aime appeler le processus de décision commune.
Bref.
En résumé, Babel.coop est une plateforme coopérative en ligne, créé par des travailleurs indépendants, pour des indépendants, et qui veut réinventer la démocratie.
Nous posons comme principe que nous voulons être libre au travail, libre de tout lien de subordination, et ce principe est le fondement de notre coopérative. Babel.coop est peut-être la première démocratie dématérialisée. Notre coopérative est régie par une constitution, un code social, et toute l’organisation est fondée sur la règle de droit, comme toute démocratie. Mais pas n’importe quelle démocratie. Babel.coop est une démocratie innovante, qui explore une nouvelle manière de faire démocratie : un Commun Démocratique.
Babel.coop offre des services communs, financés par 10 % du chiffre d’affaire généré par chaque entrepreneur salarié associé. Le premier service est de proposer une protection sociale, pour bénéficier de la même protection qu’un salarié, tout en jouissant de la liberté d’un travailleur indépendant. Plutôt que d’être à la fois un commercial, un spécialiste de la communication, un juriste, ce qui est humainement impossible, nous faisons équipe ensemble en mutualisant nos super pouvoirs. Pourquoi vouloir être gardien, attaquant et défenseur à la fois ? Autant faire équipe ! Pourquoi mettre de l’énergie chacun à créer notre propre structure ? Autant en créer une qui nous convienne à toutes et à tous, une bonne fois pour toute.
Babel.coop : l’aventure dont Nous sommes les héros
Nous voilà au terme de cet article : vous avez envie d’en savoir plus et vous vous demandez quel serait le prochain pas ?
Voilà ce que vous pouvez faire : envoyez nous un message directement avec votre mail et votre numéro de téléphone, on s’appelle en visio ou au téléphone, pour faire connaissance et on voit comment s’annonce la suite en fonction de votre contexte, et de vos besoins.
On sera ravi de partager un moment de discussion avec vous, peu importe que vous embarquiez ou pas dans l’aventure, l’objectif, c’est de partager et de semer quelques graines dans le chemin de l’épanouissement professionnel !